Mon écriture a trois petites têtes, la première prétend faire des histoires, le deuxième prend des images et les complète de mots, la troisième se juxtapose à des artistes. Les trois têtes n'ont pas de dents et portent un bonnet de laine en cette période.

vendredi 19 avril 2024

Navires des guerres - 04

 

On peut faire croire qu'on s'en va. S'en viennent les pleurs ou les applaudissements, regrets ou soulagements, on part. La mort est de même facture, on dit souvent "Il est parti" pour "Il est mort". "Elle est partie" pour "Elle meurt". Là s'enclenchent les sentiments et les paroles et quand on dit qu'on a perdu quelqu'un, ce n'est pas comme quand on perd quelque chose. On ne retrouvera plus quelqu'un, même si on range tout, même si on fouille là où on n'irait pas. Laissons s'éloigner quelqu'un. Les objets inanimés, eux, restent, même cachés ou camouflés.

Le cuirassé "Masséna"

mercredi 17 avril 2024

Navires des guerres - 03

 

Ce qui ne doit pas disparaître est pris dans un flot d'images et de récits, ce qui disparaîtra ainsi est reproduit. C'est une illusion ou c'est une copie, c'est un passage entre la vérité et une vérité. Pour aller ailleurs, autrement, en d'autres rives et dans les temps différents. Par le verbe, par la lumière, par des matières similaires ou en récupérant ce qui peut l'être. Se prolonger, la demande de chaque instant, le rêve de chaque espoir.

"Le Richelieu" - Maquette au 1/100e

Navires des guerres - 02

 

Le calme attise les mouvements. L'attente est feinte et déjà la peau se trouble et frémissent les muscles et la voix déjà a trouvé des cris qu'un premier souffle jettera. Nous nous méfions du calme qui ne sait qu'être éphémère. Et le savourons comme nous saurons savourer un dernier repas venu d'un jardin qui aura disparu. Quoi, tout s'arrêterait un jour ? Non, tout avance et l'usure y travaille.

"Le Richelieu" - Bâtiment de Ligne


 

mardi 16 avril 2024

Navires des guerres - 01

 

Tout paraît anodin et le diable est dans les détails, dit-on en latin. Le plaisir avant le mal, la joie avant les ténèbres, nous savons multiplier les sentences liées à nos ambitions, nos jeux avant la tempête. L'image du bonheur quotidien au premier plan. Nos satisfactions avant les interdits, notre bien-être avant la mort. Oui, regardons ainsi. Ou mieux, fermons les yeux que les poussières guettent et que les feux voudraient éteindre.

Lumière et Beauté de la Côte d'Azur - Toulon


 

lundi 15 avril 2024

Mouvements - Thao-Ly - 07 (et fin de la série)

 

À réfléchir sur ce qu'on ne sait pas, on en voir de toutes les couleurs. Le nouveau se fait jour, les hésitations montrent le bout de leur nez, il faut apprendre, il faut faire front. L'inconnu est une nouvelle fenêtre ouverte sur le vivant, sur les relations, ce que qu'on peut en dire ou en penser. Ce qui est connu est un instant mis de côté et ne se perd pas. Il faut alors faire face à l'inconnu.

Photo : Thao-Ly

 

samedi 13 avril 2024

Mouvements - Thao-Ly - 06

J'ai multiplié mes interventions pour te voir. Mes messages électriques et de papier, les bouées et bouteilles à la mer, des successions de suivis. Je n'en finis pas de commencer des phrases, des intentions, je deviens les infinis et leurs éternités sans toucher l'objet de mes demandes. Des colères succéderont aux séductions, les attentes se poseront sur chaque mouvement, les réflexions seront des interrogations. Et l'absence aura tant que présence que je saurai bien y croire.

Photo : Thao-Ly

 

 

vendredi 12 avril 2024

Rémy Jacquier

 

Poussières de sons

Un texte pour Rémy Jacquier

Exposition "Suspens" à la Cour

ma2024rs

Pierre Rochigneux

 

 

Aux fils tendus de ma mémoire j'ai préparé des résonances. Tendus, ténus, tordus, variations. J'y pose les clefs pour les ouvertures, j'y veux les chants que j'oubliais, ce qui revient, ce qui est sans que je l'aie trop voulu, j'ai mes écarts, des fugacités, autant de pauses. Comme certains oiseaux, ça s'envole, ça retombe, ça veut l'air ou le nid, trouvant les insectes disparus. Comme des soleils cherchant leur Est, je lance des sons cherchant à raisonner. Qui pourront se perdre ou faire écho. S'écraser, rebondir, s'éclairer.

 


 

Je - Mais je ne sais pas m'écouter.

- Tu me le dis cent fois.

Je - Je n'entends rien. Mes doigts sont sourds.

- Oui, ils écrivent, ils ne savent pas faire deux actions dans le même instant.

Je - Là, regarde, ils tremblent.

- Ils ont froid. Ils vont se frotter entre eux, comme des potes qui se racontent des histoires.

  Ils vont se chauffer et tout ce qu'ils vont toucher prendra leur chaleur.

Je - Brûlant ?

- Dépend des amitiés, ça. Dépend des idées qu'on défend, dépend des ivresses qu'on contient.

Je - S'ils n'ont rien à dire ?

- Alors ce sera de l'amusement. Du spectacle, de l'enthousiasme, rien de sérieux, de la joie humaine.

Je - Suffisant ?

 

De quoi remplir en partie l'univers, dans un éphémère hésitant. Par les traces, les contours, dans une représentation sur une scène sans estrade, qui patiente. Les poussières de la nature se maquillent sans miroir, ont un peu le trac, se lancent, s'exposent aux interrogations. Ce sont les sons fragiles de la poussière qui veut se faire oublier et pourtant qui revendique ses formes, celles qu'elle a prises des volumes posés là. Je les possède, dit-elle, par ma patience, par mes envols et par mon calme ; ne me dérangez pas, voyez comme je ne vous fuis pas, ne me donnez pas la douleur d'avoir peur de vous. Ne me nettoyez pas, je suis la poussière propre, je suis toutes les usures et plus tard je serai vous comme vous serez moi.

 

Ainsi va l'eau, dit le nuage, ainsi l'eau prend racine, ose un arbre baladeur. Ça rigole, là-haut, ça rigole au poulailler, ça s'amuse au paradis. Ainsi va son air, son air de rien, son air de notes, sornettes, ainsi vont les monts des mondes devenant le sable attendant la vague des ondes qui danseraient mais, timides, qui attendent qu'on se retourne. Encore qu'on se retourne pour un face-à-face. Nous accordant.